Association pour la Conservation des Monuments Napoléoniens.

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Le général TRAVERS, Baron de JEVER, un enfant de Néhou.

parYves Marion

Président des Amis de l'Ancienne Baronnie de Néhou

Le général TRAVERS est un personnage à qui la Reine Hortense consacre quelques lignes dans ses Mémoires[1]. Il doit cet honneur au fait d’avoir accompagné le Roi Louis, frère de l’Empereur, roi de Hollande, de son palais de Haarlem à Toeplitz, en Bohême.« J’appris que mon mari était parti du palais de Haarlem dans le plus grand secret avec le général de sa Garde qui, français et officier dans son ancien régiment de dragons, lui devait sa fortune et lui avait sacrifié avec plaisir ses espérances »Peu connu dans sa région d’origine, à l’inverse de ses voisins, les Généraux LEMAROIS ou LETOURNEUR[2], son parcours mérite néanmoins qu’on s’y attarde quelque peu. Peu connu, mais pouvait-il en être autrement : il a quitté le Cotentin à l’âge de vingt-deux ans et il n’est pas acquis qu’il y soit quelquefois revenu. En outre les aléas de carrière et sa vie privée l’ont amené à opter pour la nationalité hollandaise. Pour autant notre personnage, haut en couleurs, est bien natif du Cotentin. Bien qu’il ait fini ses jours en Belgique où il s’est établi, s’y est marié et y a fait souche[3], Etienne-Jacques TRAVERS est incontestablement un enfant de Néhou.Refusant l’état ecclésiastique auquel ses parents le destinaient tout comme son frère aîné, Julien, Etienne-Jacques rejoint la fonction militaire. Il s’engage dès 1787. Mais c’est dans les armées de la Révolution que ses premiers faits d’armes lui vaudront d’embrasser définitivement la carrière. Nous le suivrons et l’accompagnerons sur la plupart des champs de bataille jusqu’au dernier où les auteurs s’accordent à dire qu’il s’y illustra de manière tout à fait remarquable même s’il y fut sérieusement blessé. La bataille du Mont-Saint-Jean ou de Waterloo fut en effet son dernier terrain d’action militaire.Il s’en remettra. Il se consacrera jusqu’à sa mort à l’éducation de ses deux filles et à la gestion du patrimoine que lui a légué son beau-père. Après 1827, son épouse poursuivra l’œuvre de gestion et veillera à établir ses filles. Son gendre prendra le relais.Une vie bien remplie donc, qui conduit un enfant de Néhou à s’établir en Belgique, parcourant la plupart des hauts-lieux de l’Europe, glanant au passage récompenses, distinctions et titres de noblesse.Origines.Etienne-Jacques TRAVERS voit le jour à Néhou le 22 octobre 1765. Fils de Etienne TRAVERS et de Susanne TRAVERS, il a été baptisé le jour même porté par Marie Madeleine CHUQUET, marraine (qui signe Marie) et par Jacques BAUSIN, parrain, (qui marque). Le patronyme TRAVERS quelle qu’en soit la forme orthographique, TRAVERS, TRAVERT, TRAVER voire la forme plus rare TRAVERST ou TRAVERSE est significativement le patronyme le plus fréquemment rencontré dans les registres de la paroisse de Néhou[5] et des paroisses limitrophes. Dans les registres de la seule paroisse du Valdecie pour la période 1597 à 1791, la fréquence d’apparition de ce patronyme représente 14% du relevé des sépultures[6]. Ce patronyme tire ses origines d’un droit médiéval, le droit de travers[7] : « droit de passage, péage prélevé soit à un point de transit précis soit dans une zone contrôlée par un seigneur. Il désigne aussi la taxe prélevée »[8]. Confortant cette origine, il n’est guère surprenant de repérer encore aujourd’hui proche la route départementale 127 au nord-est de la commune de Saint-Jacques-de-Néhou, le hameau Travers.Les porteurs de ce nom sont si nombreux que le recours aux avernoms s’est très tôt révélé indispensable pour distinguer les branches[9]. Rien que pour Néhou, il est possible d’en repérer pars moins d’une bonne trentaine. Leur émergence est parfois surprenante reposant sur un sobriquet ( Mon Amy, Broc, Crachin, Pochonnet, Quartier-de-pied), le patronyme de l’épouse (Blondel) , la profession (Potier), le lieu d’habitation (Belarbre, Dubuisson), l’acquisition d’un bâtiment (La Haullerie), la filiation (Robinot), etc. Certains avernoms sont peu usités ou le sont peu de temps, d’autres au contraire sont portés par un nombre considérable d’individus : Les TRAVERS dits Le Régent, les TRAVERS dits Rougeterre, Les TRAVERS dits Piquet, pour ne citer que ceux-là. L’avernom est fréquemment utilisé par les ecclésiastiques pour renseigner les registres paroissiaux, sans doute pour mieux repérer les familles et susciter les demandes de dispenses afin de lever les éventuels obstacles aux mariages. Ces dispenses ne sont cependant pas aussi nombreuses qu’on serait tenté d’attendre au regard du nombre de mariages patronymiques. En revanche l’usage de l’avernom plus rare chez les tabellions et notaires n’est pas réservé au seul patronyme TRAVERS. On trouve des DUREL dits le Soldat, Datin, Le Goupil, Les Veuves, Marvis ou Matignon au Valdecie, par exemple. Le lecteur intéressé se reportera utilement à l’étude précitée en consultation aux Archives départementales de la Manche[10].La branche dont est issu Etienne-Jacques TRAVERS est la branche des TRAVERS dits Melchior ou Merciot ou encore Mercio. La seule à notre connaissance qui tire son avernom du prénom de l’ancêtre, Melchior, dont la marque est aisément reconnaissable dans les registres notariaux de la seconde moitié du 17e siècle. Melchior ou parfois Melchiort est même désigné procureur général et spécial pour représenter la communauté auprès de la juridiction des Eaux et Forêts dans un acte du 16 juin 1654 du tabellionage de Néhou[11]. Il semble bénéficier d’un statut particulier qui lui confère une certaine considération. (Corrigé le 18 juin 2007)Si la branche paraît authentifiée, une prudence certaine est néanmoins de mise comme le souligne volontiers Patrice MOUCHEL-VALLON[12]. Il s’agit d’une famille potière parmi les plus importantes de Néhou. Il convenait de conserver dans la famille le « droit de poter » acquis « depuis les temps immémoriaux »[13]. Cette famille sera très étroitement mêlée aux « affaires de Néhou » [14] au début du 18e siècle. Dans un tel contexte professionnel et social, il n’est pas exclu que plusieurs se réclament de Melchior ou s’affirment s’y apparenter. Etablir l’ascendance de notre personnage ne sera pas chose aisée. Elle le sera d’autant moins que cette branche s’alliera à une autre branche, non moins importante, la branche des TRAVERS dits Rougeterre.

 

[1] Mémoires de la Reine Hortense publiés par le Prince Napoléon, Plon, Paris, 1927, t.2 , pp. 84, 86 & 87, t.3, p.355 ( notes de Jean Hannoteau).

[2] LEMONCHOIS Edmond, Dictionnaire des officiers du Consulat et de l’Empire originaires du département de la Manche, 1980

[3] Nous devons l’essentiel des pistes de recherche à l’un de ses descendants aujourd’hui disparu, le regretté baron André de MOFFARTS qui avait bien voulu nous donner ses notes et sa documentation et à qui va toute notre reconnaissance.

[5] Répertoires CG50 : relevés Colette TIREL-DUPONT

[6] Dépouillement des registres paroissiaux du Valdecie réalisé par l’auteur.

[7] MORLET Marie-Thérèse, Dictionnaire étymologique des noms de famille, Perrin, Paris, 1997, 1028 p. ISBN : 2-262-01350-0

[8] BRUNEL & LALOU, Sources d’histoire médiévale (IX-milieu du XIVe), 1992, note en bas de page 507. TOUATI François-Olivier, Vocabulaire historique du Moyen-Age , Occident, Byzance, Islam, Boutique de l’histoire, Paris, 3ème ed. augm., 2000, 331p. ill. (informations apportées par Baptiste Lejolly.)

[9] Très belle étude de Janjac LEROY, Gérard JAMBIN et Patrice MOUCHEL-VALLON menée à partir de 1982 dans le cadre de la recherche impulsée par le Professeur Jacques DUPÂQUIER intitulée « recherche sur les 300 familles ». DUPÂQUIER Jacques, KESSLER Denis, La société française au XIXe siècle, FAYARD, Coll. « Pluriel », 1992, 529 p.

[10] Conservée aux Archives départementales référence 13 J 1745

[11] Tabellionnage de Néhou. AD 50 : 5 E 11815

[12] MOUCHEL-VALLON Patrice, Travail, famille et poteries en Cotentin, Société d’archéologie et d’histoire de la Manche, Saint-Lo, 2002

[13] CREPILLON Paul, Présentation d’un arrêt de 1610 relatif aux potiers de Néhou, Archives départementales de la Seine-Maritime. Série B. Fonds du Parlement de Normandie, in Bulletin de la Société des Antiquaires de Normandie, Tome LVIII, année 1965-1966, CAEN, 1968, p. 531, 532

[14] Archives départementales du Calvados, série 9B.

 

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